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Bonne lecture !
La vague Eva
Contexte et tour d'horizon
Dieu dans Eva
Les références religieuses
Staff
Les créateurs de la série
Cast
Les comédien(ne)s de doublage
« Qu'essayons-nous donc d'élaborer ? »
La note d'intention de Hideaki Anno
Liste des épisodes
Dates de première diffusion et titres
Liste des Anges
Avec leurs noms et "attributs"
Le générique
Avec sa traduction
Entretien avec Hideaki Anno
Paru dans le magasine japonais NewType
« Je pense que si Nadia est considérée comme une série culte,
Evangelion ne peut que le devenir. »
Hideaki ANNO
« Il doit y avoir un secret, dont la connaissance nous ôte toute frustration,
car ou bien ce serait le secret qui nous mène au salut
ou bien la connaissance du secret s'identifierait au salut.
Existe-t-il secret aussi lumineux ?
Certes, à condition de ne le connaître jamais.
Dévoilé, il ne pourrait que nous décevoir. »
Umberto ECO, Le Pendule de Foucault
An 2015.
Un monde qui a miraculeusement resurgi de ses cendres.
Un monde qui a su recréer une société de consommation.
Un monde où, en son centre, s'érige Tôkyô-3, la ville-forteresse.
Un monde ne connaissant d'autre saison que l'été.
Un monde où la moitié de l'humanité a cessé d'exister.
Le Japon est actuellement secoué par la "Vague Eva", aux proportions dignes du premier Gundam. L'engouement provoqué par cette série est tel que des gens a priori extérieurs au monde de l'animation (adultes et non-initiés) ont fini par y trouver leur compte. En 26 épisodes seulement, c'est-à-dire six mois de programmation, Shinseiki Evangelion a rapidement conquis son public, s'offrant le luxe de se classer première dans les catégories "Meilleur Dessin Animé", "Meilleur Personnage Féminin" (Rei) et "Meilleur Générique" à l'Anime Grand Prix 96. La raison de ce succès est évidente : Evangelion est la première série télé élaborée et pensée comme une oeuvre d'auteur. Repoussant les limites du genre, la série de Hideaki ANNO renouvelle le concept d'animation télévisée en misant sur un scénario complexe, dérangeant, et une mise en scène audacieuse.
Il y a quinze années de cela, la catastrophe du Second Impact, provoquée par le crash d'un astéroïde au pôle sud, ravageait la surface terrestre. La conséquence immédiate fut une crue des océans d'une centaine de mètres. Les hommes se chargèrent du reste... Guerres civiles et conflits divers aidant, les victimes se dénombrèrent par milliards à l'aube du XXIème siècle.
Parmi les survivants, les professeurs Ikari et Fuyutsuki fondèrent un bureau d'études destiné à la "complémentarité" de l'espèce humaine. Sous la surveillance du conseil des membres permanents de l'ONU, celui-ci devint la Nerv. Au coeur de Tôkyô-3, cette organisation est aujourd'hui au centre de tous les conflits de...
Shinji IKARI est recruté en catastrophe par son père, Gendô, chef responsable de la Nerv, pour piloter l'Eva-01, premier cyborg de type Evangelion. Il doit faire face à une créature gigantesque, Sachiel, se dirigeant vers Tôkyô-3. Aux dires de Gendô, on comprend qu'une telle abomination, dénommée "Ange" (adaptation du terme japonais Shito), était déjà apparue quinze années auparavant. D'abord plus que récalcitrant, Shinji est forcé de monter à bord du mystérieux cyborg et de combattre Sachiel. Shinji ne sort pas indemne de cette expérience traumatisante...
Pourtant, peu à peu, Shinji oublie ses réticences à piloter l'Eva et forme, en compagnie de Rei et Asuka -deux nouvelles pilotes- un trio aussi efficace que fragile. Cependant, les principales interrogations restent en suspens : d'où viennent les Anges ? Quelles sont leurs motivations ? Leurs liens avec les Eva et l'Homme ? Quel est l'enjeu de cette guerre et que cachent Misato, Rei, Ritsuko... ?
Tous ces personnages, au passé souvent trouble, qui gravitent autour de la Nerv, deviennent progressivement le véritable centre d'intérêt d'Evangelion. Prisonniers du passé, mais aussi de responsabilités actuelles, ils finiront par agir dans des buts strictement personnels. Parallèlement, la série délaisse la bastonnade systématique et la "love comedy" pour atteindre un degré de maturité surprenant, et ce malgré les apparences : oui, il y a encore des mechas, oui, il y a encore des pilotes prépubères. Mais cette pseudo-conformité aux clichés du tube cathodique n'est nullement gratuite : elle participe, par un traitement aussi novateur qu'audacieux (un scénario complexe et dérangeant, une mise en scène époustouflante), à un véritable renouvellement du genre.
Balayant tout manichéisme (comme dans Gunbuster), il devient impossible de déterminer où sont les "gentils" et les "méchants". Evangelion finit par se détourner très vite des stéréotypes qu'elle érige un peu comme une "mise en condition" du spectateur à la destruction des codes actuels de la japanimation. Rentrer dans l'univers d'Eva, c'est aussi jouer à un jeu de piste obsédant où rien est laissé au hasard, où chaque indice, comme autant de leurres potentiels, constitue une pièce du puzzle qu'ANNO Hideaki a magistralement conçu pour dépasser les limites de son oeuvre, redonner à l'animation japonaise ses lettres de noblesse, et ouvrir grand nos yeux d'otaku...
Bien qu'ayant réussi à ramener tous les suffrages, la série fut finalement très controversée après son dénouement (il en cause des problèmes cet épisode 26). La réaction des spectateurs japonais démontra que les "anime-fans" ne pouvaient posséder un monopole d'opinion sur une oeuvre capable de plaire à un public plus large. En effet, la majorité des critiques virulentes suscitées par le final inattendu de la série vinrent d'anime-fans et de professionnels de l'animation. Le public quant à lui préféra plébisciter Evangelion.
Difficile de cerner le problème sans opérer un retour en arrière, à la genèse même de la japanimation telle que nous la connaissons actuellement. Lors de l'anime-boom des années quatre-vingt, l'apparition des OAVs délimita un nouveau mode de consommation de l'anime, en ciblant directement le public des fans et en élaborant des oeuvres adaptées à leurs goûts exclusifs. Résultat : le grand public finit par se désintéresser du phénomène, qu'il considère comme réservé aux marginaux. Comme le sous-entend ANNO lors d'une interview, le "Plan de Complémentarité de l'Homme" aurait été en fait un "Plan de Complémentarité du monde de la japanim'" : la Nerv face au commandement de l'ONU serait la transposition de Gainax (un groupe d'amateurs face à l'hégémonie des "professionnels").
Aujourd'hui, Evangelion réussit l'exploit de réunir à nouveau tout les publics, et provoque le même enthousiasme qu'à l'époque de la diffusion de Uchû Senkan Yamato et Kidô Senshi Gundam. Véritable baffe généralisé (Animage titrait dans son numéro d'avril : "Le choc d'Evangelion serait-il le "Third Impact" du monde de l'animation ?"), Evangelion remet en question le commerce des anime à la chaîne (les cas Dragon Ball et Sailor Moon) et représente la "nouvelle vague" en matière d'anime. Les années 1995/96 seront donc, contre toute attente, à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de l'Animation Nippone.
ANNO Hideaki, amateur de philosophie et d'ésotérisme, ce qui n'est pas incompatible, adore émailler ses oeuvres de références plus ou moins évidentes : qu'elles soient d'ordre cinématographique (il ne dissimule pas son admiration pour les films de OKAMOTO Chikiha, et apprécie l'auto-référence) ou d'ordre "intellectuel". Dans ce dernier sens, Nadia avait déjà eu son lot de "clins d'oeil" à la religion chrétienne et à la psychanalyse, et évidemment, plus particulièrement aux travaux de FREUD et JUNG. ANNO a réutilisé ce type de références dans Evangelion, et ce pour plusieurs raisons. D'abord dans un but narratif : les allusions à la religion, et particulièrement l'ubiquité de certains éléments contribuent à la fascination que peut procurer l'oeuvre. Ce genre de pratiques, Umberto ECO s'était déjà amusé à les utiliser dans son Pendule de Foucault; et la controverse née de ce livre avait permis de mettre en évidence que des coïncidences troublantes pouvaient être dégagées avec un minimum de malignité à partir de n'importe quel contexte, particulièrement en faisant fi du facteur temps. Mais ces références égarent aussi le spectateur du véritable but de la série : nombreux sont les fans de Gainax qui, se souvenant de Nadia, pensaient avoir affaire à un point crucial de l'histoire dans les allusions et références religieuses. ANNO a d'ailleurs favorisé ce point de vue en distillant au compte-gouttes des informations sur ses sources.
Force est de constater, maintenant la série achevée, que ce réalisateur de génie nous a, une fois de plus, menés en bateau; la clef étant l'épisode final, qui déchaîne les passions au pays du soleil levant. ANNO reconnaît en effet y avoir mis ce qu'il y souhaitait et ses justifications se multiplient, face aux fans déçus de ne pas avoir une fin grandiose avec climax et révélations terrrrrifiantes. Cependant, malgré une amertume que les amateurs et professionnels "habitués" de japanimation peuvent ressentir, il faut apprendre à comprendre cette fin, qui fait définitivement d'Evangelion une oeuvre unique. Les Japonais ne s'y sont pas trompés, et nombreux sont les gens dits "normaux" à avoir su apprécier cette série à sa juste valeur. Bien que la diffusion d'Evangelion soit achevée, une petite révolution est en train de se produire dans le monde de l'animation japonaise. Mais je m'éloigne, revenons donc à notre sujet initial...
L'hypothèse du "divin" dans Evangelion est demeurée sérieuse jusqu'au dernier rebondissement. La désillusion a donc été sévère pour certaines personnes, en recherche de références mystiques. Examinons donc la logique exégétique du réalisateur.
Les références au christianisme apparaissent dès le premier épisode : le nom de la créature, Shito, se traduit par Apôtre, ou encore Ange (ce qui, étymologiquement a à peu près un sens équivalent), et celle-ci envoie des lasers dont les explosions sont en forme de croix. De plus, lorsque ce Shito se suicide, il crée à nouveau une gigantesque croix, symbole de la montée au ciel, depuis la venue d'un humoriste célèbre voilà bientôt deux mille ans. Misato arbore d'ailleurs un crucifix, et un plan nous montre l'Eva-00, immobilisée, en portant un planté dans le dos. On peut qualifier ces références de "poids lourds" : elles n'apportent rien à l'histoire et clignotent trop à l'écran pour présenter un véritable intérêt.
(snip sur le reste... Désolé, trop de révélations indiscrètes...)
Autres références : les fameux Manuscrits de la Mer Morte. Ces écrits, datés du premier au quatrième siècle avant J.-C. sont très nombreux. Parmi les mieux conservés, ANNO semble avoir eu une lecture très particulière du Rouleau de la Guerre, manifeste xénophobe et apocalyptique. Celui-ci décrit la guerre des armées des Fils de la Lumière face aux armées des Fils des Ténèbres, qui seraient constituées d'humains et de créatures divines ou démoniaques. Il indique également une table temporelle avant le commencement des affrontements qui dureront quarante ans (les attaques des Shito) et qui seront précédés d'un déluge éliminant la moitié de l'humanité (le Second Impact et les deux milliards de morts...). Les armes qui seront utilisées y sont décrites, ainsi que les lieux où celles-ci seraient entreposées. La partie qui demeure en suspens est la part que prendrait Dieu à ces affrontements, et surtout, le fait que l'issue en serait indécise. Dans tous les cas, les références messianiques y sont nombreuses.
(snip sur le reste... Eh oui, encore des révélations...)
Une autre part importante est accordée à la Kabbale (de l'hébreu Kabbalah, "Tradition"). Pour le résumer très succinctement, ce mouvement mystique judaïque, qui est apparu au XIIème siècle de notre ère, considère Dieu comme un ensemble d'éléments, les 10 séphira, symbolisés par dix chiffres. Selon un courant tardif de la Kabbale, la Kabbale Luriane, Dieu s'est d'abord replié sur lui-même pour créer le monde. Lors de la naissance de l'Homme, le choc fut tel que sept des séphira se séparèrent des autres et se brisèrent : ce fut l'avènement du mal sur Terre. Depuis, notre monde est défini comme celui de la "séparation", ou encore de la "désunion", tandis que le monde divin est celui de l'"union" des trois séphirot supérieures. Dieu doit désormais être "reconstruit", et l'Homme aurait un rôle important à jouer dans ce processus.
Ce courant de pensée pénètre Evangelion. D'ailleurs, l'arbre des Sephirot, symbole de Dieu, est affiché à deux reprises dans le générique. Le générique de fin lui-même est codé : la mélopée de "Fly Me To The Moon" prend toute sa signification dès lors que l'on sait que la Lune est le symbole de la dixième séphira, celle de l'humanité. La Kabbale pénètre la série d'abord dans la personnalité même du héros : comme nous l'avons dit, il aspire à la mort, la désunion, il est donc, d'un point de vue "cathare", mauvais par essence, de par sa structure de pensée -ce qui sera confirmé durant la série; le sous-titre du deuxième épisode n'est-il d'ailleurs pas The Beast, "la Bête", l'autre nom de l'Antéchrist ? D'autre part, comme semblent le confirmer les derniers épisodes de la série, par ces agissements et la guerre qu'il est en train de mener, l'Homme, qu'il ait été ou non créé par Dieu, cherche à le (re)créer. C'est tout du moins ce qu'aurait pu être l'objectif du Plan de Complémentarité de l'Homme avant la réponse des deux derniers épisodes, qui, quoiqu'en disent certains, poursuivent la ligne de pensée de la série. L'épisode XXV est bien une habile transition qui nous amène fort logiquement sur les interrogations essentielles du chapitre final.
Ainsi, Evangelion se posait en récit apocalyptique, et donc manichéen, avec la sempiternelle opposition Bien/Mal... Mais plutôt que de s'en tenir à cette ligne de conduite fascisante, que bien d'autres oeuvres pseudo-ésotériques qui ne pètent pas plus haut que leur cul semblent affectionner (X, mon amour !), les scénaristes de la Gainax ont décidé de laisser de côté cet aspect mystique à la mode et à la con, pour se diriger vers la réflexion eschatologique...
La série s'achève donc dans l'ambiguïté, sans que les mystères soient éclaircis. Mais quelles réponses apporter à des questions qui n'en ont pas, ou en ont une infinité ? Le réalisateur ANNO Hideaki préféra, plutôt que de finir dans l'"émotionnant", nous amener à nous interroger sur nous-mêmes calmement en écrivant un dernier épisode qui permet de porter un regard neuf sur la série. Et cette démarche, en forme d'électrochoc, fut vivement critiquée par les anime-fans japonais. Les vagues provoquées par Evangelion ne se sont toujours pas taries. N'est-ce pas là la plus belle des récompenses pour son réalisateur et scénariste ?
Idée originale | Gainax |
Planning | Project Eva |
Réalisateur | ANNO Hideaki |
Scénario | ANNO Hideaki |
ENOKIDO Yôji | |
SATSUGAWA Akio | |
et autres... | |
Story-Board | ANNO Hideaki |
MASAYUKI | |
HIGUCHI Shinji | |
TSURUMAKI Kazuya | |
et autres... | |
Directeurs d'animation | SUZUKI Shunji |
HASEGAWA Shinya | |
HONDA Hiroshi | |
et autres... | |
Character-Design | SADAMOTO Yoshiyuki |
Mecha Design | YAMASHITA Ikuto |
ANNO Hideaki | |
Assistants réalisateurs | MASAYUKI |
TSURUMAKI Kazuya | |
Directeur artistique | KATOH Hiroshi |
Musiques | SAGISU Shirô |
Animation | Tatsunoko Production |
GAINAX | |
Producteurs | KOBAYASHI Atsuko (Tôkyô TV) |
SUGIYAMA Yutaka |
Personnage | Comédien(ne) |
---|---|
IKARI Shinji | OGATA Megumi |
KATSURAGI Misato | MITSUISHI Kotono |
AYANAMI Rei | HAYASHIBARA Megumi |
IKARI Gendô | TACHIKI Fumihiko |
AKAGI Ritsuko | YAMAGUCHI Yuriko |
FUYUTSUKI Kôzô | KIYOGAWA Motomu |
SUZUHARA Tôji | SEKI Tomokazu |
SOHRYUH Asuka LANGLEY | MIYAMURA Yûko |
KAJI Ryôji | YAMADERA Kôichi |
AIDA Kensuke | IWANAGA Tetsuya |
IBUKI Maya | NAGASAWA Miki |
AOBA Shigeru | KOYASU Takehito |
HYUHGA Makoto | YUHKI Hiro |
HORAKI Hikari | IWAO Junko |
Kiele LORENTZ | MUGI Hito |
Pen Pen | HAYASHIBARA Megumi |
IKARI Yui | HAYASHIBARA Megumi |
AKAGI Naoko | DOI Mika |
NAGISA Kaoru | ISHIDA Akira |
Qu'essayons nous donc d'élaborer ?
Prélude à la série télévisée Neon Genesis Evangelion
Cela se passe en 2015.
Un monde où environ la moitié de l'humanité a disparu violemment voilà quinze années.
Un monde où, par le miracle d'une reprise de l'économie, de la consommation, de la circulation et de la production, les étalages des commerces sont à nouveau approvisionnés.
Un monde où, habitué à ce spectacle, les gens préfèrent la fin aux moyens.
Un monde où la natalité s'effondre.
Un monde où le Japon ayant abandonné l'ancienne Tôkyô détruite, a transféré la capitale à Nagano, érigé Tôkyô-2, et a élevé en paravent un nouveau projet de transfert de capitale pour bâtir Tôkyô-3, la ville forteresse.
Un monde, enfin, où des créatures désignées sous l'appellation « Ange » attaquent sans raison évidente cette dernière.
Voici un survol du monde de Neon Genesis Evangelion.
Une vision emprunte de pessimisme.
Il est tout à fait évident que j'ai commencé ce récit en ôtant toute parcelle d'optimisme que je pouvais y trouver.
Là-dedans, il y a un jeune homme de 14 ans qui redoute les rapports avec les autres.
Ses agissements sont absurdes, il a abandonné tout effort pour essayer de se comprendre :
il vit dans un monde fermé.
S'estimant abandonné par son père, il en déduit directement qu'il est un être inutile, mais il ne peut pas pour autant se suicider :
ce jeune homme est lâche.
Là-dedans, il y a une jeune femme de 29 ans qui essaye tant que faire se peut d'entretenir des relations frivoles avec les autres.
Elle se protège en fuyant les relations affectives.
Tous les deux, ils sont terrifiés à l'idée d'être blessé.
Tous deux sont dépourvus de ce positivisme, comme on le nomme, qu'affichent les héros, et je pense qu'ils sont les derniers qualifiés pour ce rôle.
Et pourtant, je les ai bien choisi comme héros.
On m'a dit un jour « vivre, c'est changer ».
C'est en voulant faire un récit où, la fin se rapprochant, le monde, les personnages aussi, exprimeraient ce désir de changement que j'ai commencé cette oeuvre.
Parce que c'était là mon véritable souhait.
Je me suis investi entièrement dans Neon Genesis Evangelion, moi qui était resté improductif durant quatre années.
Quatre années de fuite, où je me suis contenté de ne pas mourir : c'est en me disant « je ne dois pas fuir » que j'ai commencé cette oeuvre.
J'ai pensé cette oeuvre comme l'expression de mes sentiments, de mon humeur, fixée sur un film.
Je sais que c'est difficile, téméraire, et sans doute arrogant.
Mais j'ai essayé.
Ai-je réussi ou échoué, je ne le sais pas.
Car, au fond de moi, le récit n'a pas encore pris fin.
Que deviendront Shinji, Misato, Rei, où vont-ils, je ne le sais pas.
Car je ne sais pas où se dirigent les pensées de l'équipe.
Je me sens irresponsable.
Mais il est évident que nous avons essayé de nous synchroniser avec le monde de notre oeuvre.
Nous avons assumé le risque de ne faire qu'une « singerie », mais il n'y avait pas d'autres chemins.
Car c'est uniquement là que réside notre originalité...
17/7/1995
Un jour nuageux et pluvieux depuis le studio
Scénariste - Réalisateur
ANNO Hideaki
P.S. : au fait, Shinji est le nom d'un ami, Misato celui du personnage principal d'un des mes manga favoris et Ritsuko celui d'une amie du collège. Quel que soit le nom, il n'a pas été choisi au hasard.
Ceux qui n'ont rien d'autre à faire pourront toujours s'occuper à chercher.
Date | No | Titre Traduction |
Sous-titre |
---|---|---|---|
04/10/95 | 1 | Shito, shurai L'attaque de l'Ange |
ANGEL ATTACK |
11/10/95 | 2 | Mishiranu Tenjô Des plafonds inconnus |
THE BEAST |
18/10/95 | 3 | Naranai Denwa Le téléphone ne sonne pas |
A transfer |
25/10/95 | 4 | Ame, nigedashita ato La pluie, après la fuite |
Hedgehog's Dilemma |
01/11/95 | 5 | Rei, kokoro no mukô ni Rei, par-delà le coeur |
Rei I |
08/11/95 | 6 | Kessen, Dai San Shin Tôkyô Shi Bataille décisive à Tôkyô-3 |
Rei II |
15/11/95 | 7 | Hito no tsukurishi mono Construit par l'homme |
A HUMAN WORK |
22/11/95 | 8 | Asuka, rainichi L'arrivée d'Asuka au Japon |
ASUKA STRIKES! |
29/11/95 | 9 | Shunkan, kokoro wo, kasanete Un instant, les coeurs, à l'unisson |
Both of You, Dance Like You Want to Win! |
06/12/95 | 10 | Magmadiver Magmadiver |
MAGMADIVER |
13/12/95 | 11 | Seishi shita yami no nake de Dans les ténèbres immobiles |
The Day Tôkyô-3 Stood Still |
20/12/95 | 12 | Kiseki no kachi wa De la valeur d'un miracle |
She said, "Don't make others suffer for your personal hatred" |
27/12/95 | 13 | Shito, shinnyû L'ange, la pénétration |
LILIPUTIAN HITCHER |
03/01/96 | 14 | Seele, tamashi no za Seele, trône de l'esprit |
WEAVING A STORY |
10/01/96 | 15 | Uso to chinmoku Mensonges et silence |
Those women longed for the touch of others' lips, and thus invited their kisses. |
17/01/96 | 16 | Shi ni itaru yamai, soshite La désespérance, et après... |
Splitting of the Breast |
24/01/96 | 17 | Yonninme no tekikakusha Le quatrième qualifié |
FOURTH CHILDREN |
31/01/96 | 18 | Inochi no sentaku wo Le choix de son destin |
AMBIVALENCE |
07/02/96 | 19 | Otoko no tatakai La guerre d'un homme |
INTROJECTION |
14/02/96 | 20 | Kokoro no katachi, hito no katachi Forme du coeur, miroir des gens |
WEAVING A STORY 2 : oral stage |
21/02/96 | 21 | Nerv, tanjô Nerv, la naissance |
He was aware that he was still a child. |
28/02/96 | 22 | Semete, ningen rashiku D'aspect humain, au moins |
Don't Be |
06/03/96 | 23 | Namida Larmes |
Rei III |
13/03/96 | 24 | Saigo no shi-sha Le dernier Mort/Le dernier Messager |
The Beginning and the End, or "Knockin' on Heaven's Door" |
20/03/96 | 25 | Owaru sekai Un monde s'achève |
Do you love me ? |
27/03/96 | 26 | Sekai no chûshin de «Ai» wo sakenda kemono La bête qui criait "Amour/Moi" au centre du monde |
Take care of yourself |
No | Nom | Ange de(s)... | Apparaissant dans les épisodes... |
---|---|---|---|
1 | Adam ? | Poussière du sol | VIII, XII |
2 | Lilith ? | ? | XV, XXII, XXIV |
3 | Sachiel | Eau | I, II |
4 | Samsiel | Jour | III |
5 | Ramiel | Tonnerre | V, VI |
6 | Gagiel | Créatures marines | VIII |
7 | Israfel | Musique | IX |
8 | Sandalfon | Foetus | X |
9 | Matriel | Pluie | XI |
10 | Saraqiel | Ciel | XII |
11 | Iruel | Peur | XIII |
12 | Leriel | Nuit | XVI |
13 | Bardiel | Grêle | XVIII |
14 | Zeruel | Force | XIX |
15 | Arael | Oiseaux | XXII |
16 | Armisael | Utérus | XXIII |
17 | Tabris ? | Libre Arbitre | XXIV |
Le générique d'Evangelion est une des fiertés du DA. De conception originale, totalement synchro avec la musique (y compris les paroles), il compte en tout 84 cuts ou "plans" pour 1mn30, et son rythme endiablé va crescendo pour finir dans un déluge d'images subliminales. Le thème original, bien que pompeux au départ, est cependant du genre à s'incruster après une seconde écoute.
Zankoku na tenshi no yô ni Shônen yo, shinwa ni nare |
Tel l'ange enragé Jeune homme, deviens un mythe |
Aoi kaze ga ima Mune no door wo tataitemo Watashi dake wo tada mitsumete Hohoenderu anata |
Désormais, même si un vent pâle Frappe aux portes de ton coeur Tu me regardes intensément En me souriant à moi seule |
Sotto fureru mono Motomeru koto ni muchû de Unmei sae mada shiranai Itaike na hitomi |
Avec les choses effleurées doucement Que tu cherches passionnément, Elle ne connaît même pas son destin La prunelle innocente de tes yeux |
Dakedo itsuka kizuku deshô Sono senaka niwa |
Mais quand découvriras-tu Que dans ton dos |
Haruka mirai wo mezasu tame no Hane ga aru koto |
Pour parvenir à un avenir lointain Tu as des ailes |
Zankoku na tenshi no these Madobe kara yagate tobitatsu Hotobashiru atsui pathos de Omoide wo uragiru nara Kono sora wo daite kagayaku Shônen yo, shinwa ni nare |
La doctrine de l'ange enragé Prendra bientôt son envol par la fenêtre Si, avec le pathos qui jaillit ardemment, Tu trahis tes souvenirs Alors, en embrassant le ciel étoilé Jeune homme, deviens un mythe |
Auteur | OYOKAWA Neko |
Compositeur | SATOH Hidetoshi |
Arrangements | OHMORI Toshiyuki |
Chant | TAKAHASHI Yôko |
Entretien avec Anno Hideaki, Juin 96
EVA, un autre essai
"Eva" était le "projet de complémentarité du monde de l'animation" de Hideaki ANNO !
Plus un enfant, pas encore un adulte... Les "quatorze ans" symbolisent les problèmes de coeur.
Shinseiki Evangelion est une grande vague qui a pris naissance, voici environ dix ans, dans la mer de l'Anime. Déjà 17 ans depuis le début de la première série de Kidô Senshi Gundam. Une époque où les adolescents remplissaient les salles de cinéma pour voir Uchû Senkan Yamato ou Ginga Tetsudô 999. Comme on dit : les années qui encadrent l'anime-boom de 1980. Pour la plupart, nos lecteurs actuels n'étaient pas nés ou étaient encore bébés. En ce temps là, tous les adolescents acceptaient sans réticence les dessins animés.
Peu après, parmi ces adolescents, regarder un anime devint quelque chose de "spécial". Au milieu des années 80, avec l'"invention" de l'OAV, l'anime s'adapta petit à petit aux besoins des fans, et, sans s'en apercevoir, devint un genre que les "personnes normales" ne pouvaient pas regarder.
Bien sûr, Sailor Moon et Dragon Ball sont populaires. Mais ce sont des choses strictement "réservées aux enfants".
Bien sûr, les films de Hayao Miyazaki (et du studio Ghibli) attirent chaque été les spectateurs dans les salles. Mais ce sont toujours des "films que l'on peut voir en toute confiance", même pour un rendez-vous amoureux, absolument pas des oeuvres "pour anime-fans". Ce sont des oeuvres dont on dit : "Tout comme les anime-fans, les "spectateurs normaux" (cités ci-dessus) les trouvent extra !"... On attend impatiemment la sortie de ces oeuvres.
Non seulement les "anime-fans", mais aussi les "enfants normaux", les "adultes sensibles", et puis les "fans d'il y a dix ans et qui sont revenus à l'animation ", tous ont soutenu Eva avec enthousiasme. Et encore maintenant, après la fin de la diffusion de la série à la TV, le mouvement continue de s'étendre.
Un mois depuis la fin de la série, depuis le dernier épisode si ardemment controversé, sans que les mystères soient éclaircis. Etant passé d'un emploi du temps chargé à une certaine routine, nous avons pu nous entretenir avec le réalisateur, Hideaki Anno.
Mon humeur du moment ?... Je suis très fatigué.(rires)
Après nous avoir dit cela, Hideaki Anno commença à nous parler en choisissant ses mots avec prudence.
L'élaboration d'Evangelion me; donne la sensation d'un concert "live". Que ce soit l'histoire ou l'élaboration des personnages, je les avais fait sans "théorie". Durant la réalisation, tout en écoutant des avis divers, tout en analysant moi-même mon état d'esprit, je me remettais en question. J'allais chercher les concepts à partir de cet inventaire. Au début, j'ai pensé produire une simple oeuvre mettant en scène des robots. Mais quand le décor principal devint un lycée, cela ne changeait rien par rapport aux autres productions du même style. A ce moment là, je ne pensais pas trop encore à faire un personnage principal possédant deux visages, deux identités, à l'école et dans son organisation. L'impression de concert "live" que me donne la naissance d'Eva, c'est l'équipe me rejoignant au fur et à mesure, comme lors d'une improvisation : quelqu'un joue de la guitare, et, dans la reprise, s'ajoutent batterie et basse. Le récital s'est terminé avec la fin de la diffusion TV. Nous n'entrions dans le scénario suivant qu'une fois le précédent achevé : cela prenait plus de temps qu'une oeuvre normale. Lorsque nous finissions un scénario, nous le vérifiions par rapport aux précédents. Lorsque nous pensions "Ah! Je m'en doutais, ça foire ici", nous rectifions sur le story-board. Et donc, le dernier épisode se rapprochant, nous n'avons même pas pu l'achever à temps.
En conclusion, Evangelion a deux faces : une face narrative, et une autre face, qui serait comme un documentaire en direct sur l'état d'âme propre du réalisateur Hideaki Anno. Ce "refus de mentir à soi-même à propos des choses que l'on veut réaliser" est montré par l'ombre de l'influence de sa volonté de fer.
Le réalisateur Anno a influencé Eva en faisant apparaître ses propres "problèmes de coeur"...
La raison pour laquelle le personnage principal a quatorze ans est qu'il n'est "plus enfant, pas encore adulte". Il vit seul, mais vit raccroché aux autres. Quelques siècles dans le passé, et il fêterait bientôt sa majorité. A cette époque-là, l'espérance de vie étant de cinquante ans, on devait s'émanciper à quatorze ans environ. Aujourd'hui, on vit plus de soixante-dix ans, et bien que la majorité au Japon soit à vingt ans, la plupart des gens dépendent encore de leurs parents à cet âge. On peut sans doute se demander si ce ne sont pas les parents qui les rendent dépendants, ou, pour les parents, quand doivent-ils fixer l'âge de la majorité. En considérant "quatorze ans" comme l'âge où l'on a une indépendance d'esprit, j'ai trouvé opportun d'inclure cela à mon oeuvre.
Le "Plan de Complémentarité de l'Homme" est une allégorie du monde de l'animation.
En parlant d'improvisation, lorsque j'ai sorti le "plan de complémentarité de l'Homme" qui apparaît dans le deuxième épisode, et qui allait devenir le fuseau de l'histoire, je n'avais pas encore décidé de ce qu'il devait "complémentariser" (le terme japonais est "Hokan", ce qui signifie littéralement "combler un vide". Ce terme étant inadaptable dans sa forme substantive, l'engrenage est infernale et nous voilà avec beaucoup de néologismes - NdT). C'est juste un coup de bluff verbeux (rires). Dans l'univers d'Eva, la population humaine a été divisée de moitié, mais en guise d'aphorisme, on peut dire que les mondes où la population a diminué de moitié sont des mondes de dessins animés. Je pense que les mondes isolés et taillés en pièce où, à cause d'une catastrophe du passé, l'humanité a été décimée, sont caractéristiques de l'anime.
A propos, M. Anno a déjà fait une comparaison analogue voilà deux, trois ans. Dans le monde de Gundam imaginé par le réalisateur Yutaka Fujino, Charles qui, tel Don Quichotte, se débat pour libérer les gens enfermés dans l'univers des Space Colony (les compagnies d'animation), est l'incarnation du réalisateur. Dans Eva, les généraux de l'armée régulière n'ayant pas réussi à détruire une forme qui s'approche appellent le groupe d'amateurs Nerv (le réalisateur Anno au centre de Gainax)... Le transposer ainsi est plutôt intéressant.
Vraiment?... Eh bien, quel que soit le point de vue, la Nerv est un groupe d'amateurs. Ca a la forme d'une armée, mais ce n'est pas une armée. Je n'ai pas voulu en faire une troupe militaire. J'ai trouvé bizarre que les magazines d'animation réajustent l'image de Misato pour écrire d'elle qu'elle est une "militaire habile". Je pense qu'elle est plus habile pour bien d'autres choses... Si elle est compétente, il ne faut pas le dire aux militaires ! D'où qu'on les regarde, ses stratégies sont un peu au petit bonheur la chance.
Ce n'est que du bol. Sincèrement, la seule personne qui planifie un tant soit peu ses stratégies est Ritsuko... Concernant Misato, c'est un être confondant l'objet et le sujet, et en arrangeant les choses, elle me ressemble en bien des points... Malgré ce qu'a écrit Masami Yûki (un des assistants réalisateurs de la série :NdT) en citant l'épisode 7, dans votre numéro de février, elle n'est pas si intransigeante, tout comme la Nerv.
Maintenant, synchronisons-nous sur le monde imaginé par Anno, à Tôkyô-3 en 2015. La ville sans ombre de vie (le monde de l'animation) est devenue un petit peu plus gaie grâce à l'arrivée d'immigrants ayant vu Eva.
Mais, d'autre part, c'est un fait, l'anime-fan à l'intérieur d'Hideaki Anno sent monter la frustration...
Le problème du "coeur" est né avec la société de confort.
Nous approfondirons plus tard ce qui manque aux gens.
Le "plan de complémentarité de l'Homme" est vraiment un terme qui à l'allure très "S.-F.". En fait, sa véritable fonction était la "complémentarité des manques du coeur" des personnes de notre époque. Nous n'avons pu cacher notre franche surprise devant un tel concept. Au début de la série, personne n'avait pu imaginer "la chose qui manque aux gens". Quels ont pu être les tiraillements intérieurs du réalisateur, avant de pointer cette chose comme étant le "coeur" ?
A propos du problème du coeur, je n'en ai pas pris conscience immédiatement, mais une partie du Japon et de l'Amérique peut satisfaire la plupart de ses désirs, non ? Je pense que c'est un problème qui est apparu après avoir trouvé la paix du coeur. Par exemple, certaines personnes, d'un matérialisme extrême, ne réfléchissent pas du tout au fait de savoir s'ils se font détester des autres ou non. Je pense que l'on doit vivre plus fondamentalement. Et donc, dans notre sécurité matérielle actuelle, le problème du coeur devient un sujet d'actualité. En faisant Eva, finalement, j'en suis arrivé là, pour de nombreuses raisons que je n'ai pu détailler. Mais concernant les histoires originelles des épisodes 25-26 (les derniers), j'ai fini le 25ème en ce qui concerne le scénario. J'ai du cependant abandonner l'épisode 26, à cause de l'escalade des intrigues. Je retravaille les épisodes 25 et 26 qui seront en vente en LD et vidéo l'année prochaine, mais concernant l'épisode 26, ce sera une révision complète, pour qu'il soit plus "visuel". Je vais le refaire en décomposant cette imbroglio d'intrigues.
Les épisodes 25 et 26 diffusés à la TV reflètent exactement mon état d'esprit à l'époque. Je suis donc très satisfait. Je ne regrette rien.
Le message contenu dans les derniers épisodes controversés d'"Eva".
Le 4 mars, après la fin de la postsynchronisation de l'épisode 25. A l'initiative des doubleurs, l'équipe technique, qui rassemblait les restes de l'épisode 26, est invitée à une "fête d'adieu" près du studio d'enregistrement Tavac, à Okubo, Tôkyô.
A ce moment là, le scénario du dernier épisode n'était pas encore achevé. Il le sera la semaine suivante. En substance, il restait trois jours sur le planning. En fait, je n'avais pas besoin de faire de dessins pour représenter ce que je pensais. La vérité, c'est que j'aurais été bien content de m'expliquer oralement. J'aurait pu le faire, mais, heureusement, on a refusé. Sans celluloïd, nous avons fait exprès d'utiliser de cette façon les dessins du story-board. Ce n'était pas une question d'avoir le temps ou non. En tout cas, nous sommes parvenus à nous dispenser de l'animation au celluloïde. Les celluloïdes sont des arguments symboliques. Après avoir dessiné Asuka au marqueur, lorsque Yûko Miyamura lui a prêtée sa voix, c'était plus que jamais Asuka. J'en étais venu à me détester lorsque je m'attardais sur les celluloïdes. Mais cela ne signifie pas non plus passer au dessin par ordinateur. Je voulais faire entendre par là que, pour le dessin animé en tant que moyen d'expression, faire du dessin au trait, ça fonctionne. Je voulais dire quelque chose à ces personnes stupides qui ont des expressions du style "puisque c'est pas du celluloïde, c'est inachevé" ou "parce que c'est pas du cellulo, c'est fait à la va-vite". Cela m'a libéré, de détruire coûte que coûte le genre d'idées reçues que je possédais moi-même. Avec le "on ne peut pas faire de cellulos, qui ne sont pas des humains, des êtres vivants", on en est arrivé finalement au fétichisme... La première fois qu'on a essayé, c'était par ce que racontaient les "lignes" de l'épisode 16. Un dessin animé est composé de simples signes, et donc, depuis le départ, c'est un faux monde, non ? Rien qu'une illusion d'optique. Personne ne pense que c'est un documentaire. Mais essayer d'intégrer à un film du documentaire, c'est mon sentiment personnel de "live". Je pense que les procédés de destructions de ces signes sont rares dans les dessins animés diffusés à la TV. Lorsque nous avons diffusé nos dessins au trait, des gens du milieu nous ont traité de bâcleurs, alors qu'il était impossible de voir cela comme du travail bâclé. Ne pas faire attention à l'intention de faire de ce travail de trait une "représentation", cela implique qu'il n'y apparaît aucune idée, aucun concept. Ainsi le dernier épisode ne sortirait pas du cadre d'un concours d'aphorismes... Je pense, moi, qu'en portant un regard méthodique, il y aurait peut-être autre chose...
Le 26ème épisode, qu'une partie des fans purs et durs a rejeté... Bien sûr, il est vrai que des fans ont ressenti de la frustration, par l'absence de continuité avec l'histoire originelle. Sur la messagerie informatique, entre autres, on a pu voir de nombreuses critiques virulentes. Mais, c'est un fait aussi : les spectateurs ayant regardé le dernier épisode, qui a enregistré un record d'audience, se sont exclamé "Evangelion, c'est vraiment génial !".
Parmi les personnes qui utilisent la messagerie informatique, nombreux sont ceux à avoir l'esprit obtus. Parce qu'ils sont enfermés dans leur chambre, ils retiennent la vision qui se diffuse à travers le monde entier.
Ce qu'il faut savoir pour ne pas prendre les Anime-Fans pour des imbéciles.
Mais ceci ne dépasse pas le stade de la simple "information". Une information sans réflexion, qui fait croire que l'on sait tout. Cette complaisance n'est rien qu'un piège. De plus, le sens des valeurs qui s'oppose à cette information s'en trouve paralysé. Et on en arrive à la démagogie. Par exemple, quelqu'un cite mon nom en disant "Anno a clamsé". Si cette personne était à côté de moi, peut-être la frapperai-je. Sur la messagerie informatique, quelqu'un peut toujours apporter une réfutation, mais tout cela est du niveau de "graffitis de chiottes". On a pas besoin de signer. Ça arrive tranquille directement chez soi. C'est tellement pratique, que des gens sans remords utilise ça sans s'arrêter.
Evidemment, tous les utilisateurs de la messagerie informatique ne sont pas comme ça. Mais comme c'est très difficile de trouver des personnes honnêtes, je ne suis pas assez libre pour consacrer du temps à la messagerie informatique. J'ai juste envie de dire "revenez à la réalité et apprenez à connaître le monde". Par exemple, lorsque l'on a décidé de refaire les épisodes 25 et 26, la nouvelle s'est vite répandu à partir du serveur de Gainax sur tout le réseau. Si nous avions pas annoncé la couleur, des rumeurs complètement farfelues auraient vu le jour. Mais en révélant l'information, plein d'affirmations incohérentes du style "ils font ça pour l'argent" nous sont arrivé dans la tronche. Je me suis rendu compte de ma propre hypocrisie quand je me suis laissé convaincre que, ne connaissant pas nos raisons économiques, ce genre de propos n'étaient que justice. Quoiqu'on dise, je pense qu'on ne peut voir d'autres points négatifs dans Evangelion ! (Rires) En ne faisant pas attention aux idées puériles qu'on leur soumet, on prend les Anime-fans pour des imbéciles. Ils ne sortent pas de leur univers. Ils s'y sentent en sécurité. Ils n'ont rien de solide sur quoi s'appuyer en eux. C'est pourquoi j'ai essayé de partir à la rescousse de l'Anime. Je ne dit pas, comme Terayama, de "jeter ses cahiers et sortir de la ville", mais de sortir de la ville et d'aller à la rencontre des gens. Pourquoi je peux dire ça ? Parce que j'ai remarqué ce qui me manquait à moi, dans mon for intérieur. Pendant vingt et un ans, j'ai été anime-fan, et maintenant, à trente-cinq ans, je le remarque avec peine : je ne suis qu'un honorable crétin. (rires)
C'est à contrecoeur que l'entretien arrive à son terme. Il y a encore beaucoup de choses dont il faudrait parler. Nous réfléchissons actuellement aux suites qu'il faudrait donner à cette interview avec le réalisateur ANNO Hideaki. Nous désirons la poursuivre dans le supplément spécial du prochain numéro.
Sans doute vous aussi désirez discuter avec ANNO Hideaki. Vos lettres et cartes postales à NewType seront les bienvenues, qu'elles contiennent questions ou avis critiques. Le réalisateur réagira sûrement à leurs propos lors d'une prochaine entrevue.